UN DRAME AU BORD DE LA MER

par Martine CONTENSOU

 

I. L'HISTOIRE

Nous somme en 1821. Face à l'Océan à la pointe d'une presqu'île bretonne, un jeune homme Louis médite  sur l'avenir. Son amie Pauline sort du bain et l'appelle à continuer leur promenade matinale. Ils croisent un pêcheur dont la pauvreté les émeut. Après lui avoir promis de lui offrir de quoi dîner copieusement, les deux jeunes gens poursuivent vers Batz le chemin qu'il leur indique et sur lequel il les retrouvera plus tard. Tous trois se rejoignent bientôt et parviennent auprès d'un promontoire rocheux que les jeunes gens voudraient explorer. Bien que leur compagnon les prévienne qu'un homme vit là et que nul dans le pays ne s'y aventure, la curiosité l'emportant, ils s'avancent et découvrent alors devant une grotte un être aussi immobile que le granit qui l'entoure, dont seuls les yeux s'animent un instant. Impressionnés par cette vision, ils supplient le pêcheur de leur donner la clef de l'énigme que constitue cet étrange personnage. Celui-ci leur confie alors l'histoire –  dont il est seul dans le pays à connaître le fin mot – de ce farouche marin, Cambremer, qui a fait vœu de s'exposer face à l'Océan et de s'y confondre avec le roc pour expier la mise à mort de son fils, un dévoyé dont il s'est fait le justicier. Joseph, son frère et Pérotte, sa nièce, assurent désormais la subsistance de celui qui est devenu l'homme au vœu. Les jeunes gens écourtent leur périple et rentrent au Croisic, le deuil dans l'âme. Pauline, inquiète de l'effet produit sur Louis par cette tragique histoire et les « visions » qui en résultent, l'incite à en faire le récit, pour s'en délivrer.. Ainsi se termine la longue lettre à l'oncle, qui n'est autre que le conte philosophique Un drame au bord de la mer.

II. HISTOIRE(S) DU TEXTE

– 1834. Première mention dans le contrat signé avec Werdet le 16 juillet 1834 pour les Etudes philosophiques. Publication en revue: le 24 novembre 1834, dans L'Impartial, réclame faite avec des bonnes feuilles du texte à paraître le 6 décembre. Partiellement reproduit par Le Cabinet de lecture le 29 novembre, puis intégralement le 30 par Le Voleur.

– 1835. Première édition : Etudes philosophiques, tome V, chez Werdet, en janvier 1835. Un drame au bord de la mer vient en fin de volume, après L'Elixir de longue vie.

– 1843. Deuxième édition : détaché des Etudes philosophiques, le récit est réédité en 1843, sous le titre La Justice paternelle, dans un recueil collectif intitulé Les Mystères de province, qui constituait une des séries de la Bibliothèque des romans nouveaux publiée par Souverain.

– 1846. Troisième édition : La Comédie humaine, tome XV, Etudes philosophiques, tome II, chez Furne, en 1846. Le récit est placé entre El Verdugo et L'Auberge rouge.

III. PERSONNAGES

– Pierre CAMBREMER : l'homme-au-vœu pour les pêcheurs de Batz. Il a précipité à la mer, une pierre au cou, son fils unique, Jacques, un mauvais garçon qui a fait le malheur des sa mère. L'histoire est nouveau racontée à Béatrix par Félicité des Touches (Béatrix), après que Calyste et Mme de Rochefide ont aperçu l'homme dans la même attitude en 1836.  

–LOUIS et PAULINE : les deux jeunes gens sont le fragile et génial Louis Lambert et sa fiancée Pauline de Villenoix, que l'on a connus dans L'Histoire intellectuelle de Louis Lambert. Ils sont en Bretagne pour tenter d'affermir la santé de Louis.

IV. LECTURES ET COMMENTAIRES

On notera le rapprochement, dans le Furne, de El Verdugo et d'Un drame au bord de la mer, apparemment justifiée par une matière « excessive », dans l'un et l'autre cas, et par une relation antithétique : le fils bourreau, le père bourreau, sur fond de violence baroque et d'honneur familial. On s'expliquerait moins la place de Un drame en 1835 s'il n'était aussi question, dans l'Elixir, d'un scénario parental. Contes bruns autant qu'études philosophiques : il est remarquable de constater, une fois de plus, que le philosophique intègre chez Balzac les situations limites, poches du mystique ou du fantastique.