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URSULE MIROUET

par Raymond MAHIEU

 

I. L'HISTOIRE

La fortune du docteur Minoret, venu finir ses jours à Nemours, éveille la convoitise des nombreux parents et héritiers potentiels qu'il y compte. Leurs appréhensions, aussi, car ils redoutent d'être désavantagés au profit de la pupille du vieillard, Ursule Mirouët : cette intrigante supposée ne leur paraît-elle pas l'influencer au point de l'avoir conduit, sur le tard, à se convertir ? A la mort de Minoret, en 1835, la cupidité exacerbée d'un des héritiers, Minoret-Levrault, va le pousser jusqu'au vol des titres de rente destinés par le défunt à assurer l'avenir de la jeune fille, alors âgée de vingt ans. La voici donc réduite à la pauvreté, et de surcroît en butte à des persécutions sournoises inspirées par le coupable. L'innocence finira cependant par triompher. Soutenue par l'amour de Savinien de Portenduère, et par l'action des rares amis du docteur, aidée, aussi, par de mystérieuses révélations reçues en songe, Ursule finira par rentrer dans ses droits et par trouver le bonheur qu'elle mérite.

 

II. HISTOIRE(S) DU TEXTE

– Le manuscrit a été conservé (collection privée). On ne possède pas d'épreuves.

– Le roman paraît dans Le Messager, du 25 août au 23 septembre 1841 : Ursule Mirouët. Scène de la vie privée. Le récit y est divisé en deux parties et vingt et un chapitres (respectivement 1 à 11 et 12 à 21). Relativement au manuscrit, les corrections, les suppressions et surtout les additions sont nombreuses et importantes.

– L'édition originale paraît en mai 1842 : Ursule Mirouët, Souverain, 2 volumes in-8. Le texte est précédé d'une dédicace, datée d'août 1841, à Sophie Surville, nièce de l'écrivain. La division en parties et chapitres de la préoriginale est maintenue (on notera que le chap. 11 est réparti entre le premier volume et le second). Les modifications apportées au texte sont nombreuses, et notamment les additions ; on relève en particulier, au chap. 8, plusieurs corrections de nature juridique.

– En janvier 1843, Ursule Mirouët paraît dans le cinquième volume de La Comédie humaine (Furne), qui constitue de Tome I des Scènes de la vie de province. Le roman ouvre le volume. La division en deux parties subsiste. La dédicace est maintenue. Le nombre des corrections apportées au texte de l'originale est très réduit.

– Les modifications introduites dans le Furne corrigé sont peu abondantes.

 

III. PERSONNAGES

– Honoré BONGRAND : juge de paix, ami du Dr Minoret. Ce personnage ne reparaît que dans une ébauche.

– Docteur BOUVARD : ami de jeunesse du Dr Minoret, adepte du magnétisme. Personnage reparaissant dans Splendeurs et misères des courtisanes.

– Denis MINORET : médecin retiré à Nemours ; veuf. Ce personnage ne reparaît allusivement que dans une ébauche.

– François MINORET-LEVRAULT : neveu du précédent. S'est d'abord appelé MASSIN (ms). Personnage reparaissant allusivement.

– Zélie MINORET-LEVRAULT : née Levrault-Crémière : épouse du précédent.

– Ursule MIROUET : orpheline, fille de Joseph Mirouët, fils naturel de Valentin Mirouët ; ce dernier était le beau-père du Dr Minoret, qui fera d'Ursule sa pupille. Elle épousera Savinien de Portenduère. Personnage reparaissant, principalement dans Béatrix.

– Antoinette PATRIS, dite la Bougival : gouvernante du Dr Minoret, nourrice et servante d'Ursule. Ce personnage ne reparaît que dans une ébauche.

– Vicomte Savinien de PORTENDUERE : fils de la Vicomtesse de PORTENDUERE née de Kergarouët ; épousera Ursule. Personnage reparaissant, principalement dans Béatrix.

On observera que beaucoup des personnages importants de ce roman n'ont pas d'autre emploi dans La Comédie humaine – Ursule et Savinien constituant une exception notable. En revanche, nombreuses sont les mentions marginales de personnages reparaissants bien connus : Hélène d'Aiglemont, Emile Blondet, Arabelle Dudley, Gobseck, Henri de Marsay, Eugène de Rastignac, Lucien de Rubempré, Schmucke, Maxime de Trailles...

 

IV. LECTURES ET COMMENTAIRES

Une fois n'est pas coutume, Balzac donne aux épreuves d'une touchante jeune fille un aboutissement heureux : ni assassinée par la méchanceté et la bêtise, comme l'héroïne de Pierrette, ni écrasée par sa condition d'héritière, comme celle d'Eugénie Grandet, Ursule Mirouët résiste victorieusement à la formidable machine à nuire que constitue le système d'alliances, notamment parentales, qu'une société de province met au service de l'ambition et de la soif de posséder. Il y faut, il est vrai, l'intervention, sinon d'un miracle, du moins de phénomènes paranormaux, qui occupent ici une place exceptionnelle dans les Etudes de Moeurs. Ce sont en effet les pouvoirs du magnétisme qui, outre qu'ils déterminent la conversion du vieux médecin, précipitent la déroute des méchants. Ursule Mirouët apparaît ainsi comme le lieu de convergence de deux préoccupations qui habitent depuis longtemps Balzac : d'une part, déjà attestée dans le projet jamais réalisé des Héritiers Boirouge (1833), l'inquiétude devant l'emprise sociale des familles tentaculaires (on en retrouvera une semblable dans Les Paysans) ; d'autre part, reliée à une pensée dominante des Etudes philosophiques, la conviction d'une continuité entre réel visible et réel invisible.