L’insuccès de ses premières œuvres (publiées sous pseudonymes) incite le jeune Balzac à tenter de faire carrière dans les métiers du livre. D’abord associé à Urbain Canel en tant qu’éditeur, il rachète une imprimerie puis une fonderie de caractères dans l'espoir de maîtriser toutes les étapes (donc les coûts) de fabrication d’un livre. Malgré l’ardeur au travail (Balzac imprimera plus de trois cents textes de toute nature entre avril 1826 et août 1828), il est criblé de dettes et doit céder ses parts à l'un de ses associés, le fondeur typographe Jean-François Laurent, et à sa maîtresse Mme de Berny, qui lui avait procuré la mise de fonds initiale. Le fils de la "Dilecta", Alexandre de Berny, réussit à faire fructifier l’entreprise qui devient l’une des fonderies les plus réputées de France (elle s'associera notamment, au début du XXe siècle, avec les typographes Peignot), dont l'activité perdurera jusqu’en 1974.
Le Spécimen des divers caractères, vignettes et ornemens typographiques de la fonderie de Laurent et de Berny a paru en juin 1828 après que Balzac a abandonné l’affaire, ce qui explique que son nom ne soit mentionné qu’en tant qu’imprimeur. En fait, Balzac participe à la conception entière du catalogue commencée en décembre 1827, suite au rachat du fonds de la célèbre fonderie de caractères Gillé. A côté des ornements créés par Achille Deveria, Henry Monnier ou Tony Johannot (artistes que Balzac connaît grâce à sa fréquentation du milieu journalistique) figurent ainsi plusieurs motifs typiques du XVIIIe siècle.
Ce catalogue (dont la Maison de Balzac possède l’un des rares exemplaires dont la couverture ait été conservée, ornée d’une vignette dessinée par Henry Monnier) témoigne de la variété du matériel typographique possédé par Balzac. Il permet de connaître non seulement les goûts, mais aussi l'ampleur des connaissances techniques que l'écrivain a acquises en tant qu'"homme de lettres de plomb", comme il se plaît alors à se présenter.