Emily Faure-Dujarric en mémoire de son mari Louis (1875-1943), architecte en vue à son époque, « ayant réuni […tous deux] une importante bibliothèque comprenant notamment une collection des œuvres de Balzac en édition originales, et souhaitant que cet ensemble ne soit pas dispersé et demeure en France ; ayant, d’autre part, porté depuis fort longtemps un intérêt particulier à la Maison de Balzac, [fût] disposée à céder cette collection à la Ville de Paris afin qu’elle vienne enrichir la Bibliothèque de la Maison de Balzac où sa place semblait toute désignée. » Acte fut fait en septembre 1970. Ce couple de bibliophiles réputés qui demeurait non loin de Passy dans une maison aujourd’hui détruite, constitua sa collection en partie à la faveur des grandes ventes soviétiques.
En effet, suite aux désordres de la Révolution de 1917 et tâchant de réorganiser le pays, les autorités cherchèrent par tous les moyens de nouvelles ressources afin de permettre à la nouvelle économie planifiée de prendre son essor dans le cadre d’une politique à marche forcée (NEP) visant à effacer la ruine occasionnée par la guerre civile. Pour ce faire le gouvernement soviétique, servi par des lois spéciales promulguées dès les années 1920, négocia des biens culturels récemment nationalisés ou appartenant déjà aux collections publiques, mais toutefois pas considérés comme assez précieux ou essentiels à la préservation de l’histoire et de la culture russe. Ainsi furent dispersés des millions de volumes soit en ventes publiques le plus souvent en Suisse, soit par l’entremise de divers intermédiaires moscovites ou pétersbourgeois. C’est en raison de ces mises sur le marché aussi spectaculaires que nombreuses que des amateurs purent se constituer des collections à partir de celles qui venaient d’être défaites.
Ainsi la Bibliothèque de la Maison de Balzac se trouve aujourd’hui conserver plus de quatre-vingt œuvres en éditions originales, toutes imprimées en France et provenant de Russie. Elles portent le plus souvent la trace prestigieuse des collections impériales conservées au Palais de Tsarskoïé Sélo, déposées entre autres par les Tzars à la bibliothèque du lycée de ce vaste complexe palatial d’été et marquée par divers timbres et ex-libris, tant en français qu’en russe, avec notamment le chiffre d’Alexandre II couronné, l’aigle bicéphale, etc. Plus rare, la marque du comte Grigori Alexandrovitch Stroganov, l’un des hommes les plus cultivés de son temps et grand mécène, qui constitua une bibliothèque d’une richesse considérable. Bien après son décès, ses fils l’offrirent en 1875 pour créer le fonds de la Bibliothèque impériale sibérienne située à Tomsk, capitale culturelle continentale à trois mille km à l’est de Moscou. Ici encore, des traces d’appartenances successives témoignent de l’histoire des ouvrages.
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