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LE PERE GORIOT

par Stéphane VACHON

I. L'HISTOIRE

Eugène de Rastignac, issu d'une famille de petite noblesse provinciale, venu étudier le droit à Paris depuis les environs d'Angoulême (comme le Lucien de Rubempré d'Illusions per­dues), habite une modeste chambre dans la pension de madame Vauquer, rue Neuve-Sainte-Geneviève. Il y fait la connaissance de Goriot, un bourgeois retiré des affaires, un marchand de vermicelle enrichi sous la Révolution par des spéculations, et celle de Vautrin, un forçat évadé en lutte, silencieuse mais implacable, contre l'ordre social. Il y croise en outre Victorine Taillefer, une jeune fille abandonnée par son père, et se lie d'amitié avec Horace Bianchon, futur médecin. Par sa cousine, la vicomtesse de Beauséant, il s'introduit dans la haute société du faubourg Saint-Germain, y commet ses premiers faux pas en y gagnant son expérience, rencontre les filles de Goriot qui ont fait d'excellents mariages : la comtesse Restaud et la baronne de Nucingen, dont il devient l'amant.

Locataire de Mme Vauquer, protecteur de Goriot, protégé de Vautrin, ami de Bianchon, confident de Mme de Beauséant, soupirant d'Anastasie de Restaud, prétendant de Victorine Taillefer, amant de Delphine de Nucingen, Rastignac établit le contact entre les personnages et leurs intrigues, entre les lieux et les scènes multiples du roman dont l'histoire se fragmente en un drame à plusieurs destinées qui se croisent et se rejoignent sans s'opposer. Roman de formation ou histoire de l'ascension sociale d'un jeune homme (Rastignac), histoire de la déchéance d'un père trop aimant (Goriot), de la chute d'une grande dame (vicomtesse de Beauséant), de l'arrestation d'un révolté (Vautrin), histoire d'une pension bourgeoise (celle de madame Vauquer) qui se vide d'un coup de tous ses locataires –  selon le point de vue – , le roman entretisse étroitement toutes ces dimensions.

 

II. HISTOIRE(S) DU TEXTE

Le fonds Lovenjoul conserve le manuscrit du roman (en fait une copie autographe, qui a servi à l'impression) sous la cote A 183 : 176 feuillets reliés, dédiés à Mme Hanska (c'est dans cette dédicace qu'on a découvert, sous une rature, la mention du « jour inoubliable » où ils devinrent amants). Du brouillon ne subsiste qu'une page de début, abandonnée (Lov. A 301 f° 220). Enfin, dans Lov. A 268, sont réunis divers documents, sur les éditions Werdet.
Le Catalogue de 1845 fait passer Le Père Goriot dans les Scènes de la vie privée, avant Le Colonel Chabert, ce que confirme le Furne corrigé qui porte d'allusives corrections en marge.

–  Revue de Paris, en quatre livraisons, les dimanches 14, 28 décembre 1834, 18 janvier et 1er février 1835. La préface, datée « Paris, mars 1835 », paraît dans la livraison du dimanche 8 mars.

–  Le Père Goriot. Histoire parisienne, Werdet et Spachmann, 2 vol. in-8 de 354 et 376 pages (B.F. 14 mars 1835). La table des ma­tières compte sept chapitres : I. « Une pension bourgeoise »; II. « Les deux visites »; III. « L'entrée dans le monde »; IV. « L'entrée dans le monde (suite) »; V. « Trompe-la-Mort »; VI. « Les deux filles »; VII. « La mort du père ». Le dédoublement du chapitre intitulé « L'entrée dans le monde » est imposé par son débordement du premier volume sur le second. L'épigraphe apparaît sur la page de titre.

Le Père Goriot. Histoire parisienne, Werdet et Spachmann, 2 vol. in-8 de 384 et 396 pages (B.F. 30 mai 1835).

Le texte ne compte plus que quatre parties réaménagées : I. « Une pension bour­geoise »; II. « L'entrée dans le monde »; III. « Trompe-la-Mort »; IV. « La mort du père ». Il est enrichi d'une seconde préface, datée « Meudon, 1er mai 1835 ». L'éditeur Werdet s'était réservé la possibilité de diviser le tirage de cette édition en deux, pour moitié dans le format in-8 et moitié dans le format in-12. Ce qu'il fit (voir ci-dessous).

Étude philosophique. Le Père Goriot, Au bureau du Figaro, 4 vol. in-12 (non enregistrés à la B.F.).

Les volumes in-12 fabriqués par Werdet en même temps que les exemplaires in-8 constituant la deuxième édition en librairie, ne furent pas mis en vente. Ils furent soldés par lui après le dépôt de son bilan le 17 mai 1837. Ils sont offerts en prime aux lecteurs de Figaro pour le re­nouvel­lement de l'abonnement trimestriel du 15 octobre 1837. Le texte n'a été ni revu ni corrigé. Il est en tous points identique à celui des volumes in-8, puisque l'un et l'autre sont simultanément issus de la même composition typogra­phique.

Le Père Goriot, Charpentier, 1 vol. in-18 de 390 pages (B.F. 16 mars 1839). Nouvelle édition cette fois effectivement revue et corrigée. Suppression de préfaces et de toutes les divisions.

La Comédie humaine, 9e volume, tome I des Scènes de la vie parisienne, Furne, Dubochet et Cie, Hetzel, 1 vol. in-8 (B.F. 28 septembre 1844). Nouvelle édition : ajouts de la dédicace à Geoffroy Saint-Hilaire.

 

III. PERSONNAGES

Dans la première édition en librairie du Père Goriot (mars 1835), on compte vingt-trois personnages reparaissants. Balzac enrichit si bien sa technique au fil de la publication de ses oeuvres nouvelles et des rééditions de ses oeuvres anciennes que, au total, quarante-huit acteurs de La Comédie humaine reparaissent dans Le Père Goriot (voir la liste ci-jointe). Ce nombre extrêmement élevé en fait, pour le philosophe Alain, un de ces « carrefours où les personnages de La Comédie hu­maine se rencontrent, se saluent, et passent. De là vient qu'au lieu d'être dans un roman, on est dans dix » (Avec Balzac, Gallimard, 1937 [1935], p. 191); ou pour le romancier François Mauriac, « un rond-point. De là partent les grandes avenues qu'il [Balzac] a tracées dans sa forêt d'hommes » (Le Romancier et ses personnages, Presses Pocket, « Agora », 1990, p. 50-51).

Les principaux protagonistes du Père Goriot sont les person­nages qui, dans La Comédie humaine, reparaissent le plus souvent : le baron Nucingen (trente-deux romans); Horace Bianchon, le médecin des grands personnages de La Comédie humaine (vingt-neuf romans); Henri de Marsay, futur premier ministre (vingt-neuf romans); Eugène de Rastignac (vingt-six romans). Vautrin, lui, est le héros dominant plusieurs oeuvres de Balzac -- ceci est une rareté qui vaut d'être soulignée : Le Père Goriot, Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes constituent, en effet, la trilogie centrale de l'oeuvre balzacienne.

Comment comprendre l'âpreté au gain d'Anastasie de Restaud, et son incapacité à venir au chevet de son père? Gobseck nous donne l'explication nécessaire. Comment entendre la perfidie des paroles de la duchesse de Langeais rendant visite à la vicomtesse de Beauséant? Son amertume nous est révélée par la menace qui pèse sur son amour : voir La Duchesse de Langeais. Comment connaître la trouble origine de la fortune de Taillefer? L'Auberge rouge dévoile ce secret, et dit ce que devient Victorine reconnue par son père. Veut-on savoir comment s'occupe la vicomtesse de Beauséant après avoir quitté Paris? Il faut lire La Femme abandonnée. C'est ainsi que Le Père Goriot estompe ses frontières, reporte ses dénouements, sursoit à ses conclusions, ajourne l'accomplissement du destin de ses personnages (hormis celui de Goriot), qui poursuivent de roman en roman leur chemin.

En outre, de nombreux personnages secondaires appartiennent comme le marquis de Ronquerolles et Maxime de Trailles, au personnel régulier de La Comédie humaine. Ils ouvrent dans La Comédie humaine de larges routes : la marquise d'Espard mène à L'Interdiction, la marquise Julie d'Aiglemont à La Femme de trente ans, la marquise de Listomère à Étude de femme, la comtesse de Kergarouët au Bal de Sceaux, madame de Lanty à Sarrasine, lady Brandon à La Grenadière, la duchesse Diane de Maufrigneuse au Cabinet des Antiques et aux Secrets de la princesse de Cadignan, le comte et la comtesse Restaud à Gobseck (où Derville raconte le dénouement de leur affaire), Gobseck, la duchesse de Langeais et madame Firmiani aux romans qui portent leurs noms, les frères Vandenesse au Lys dans la vallée et à Une fille d'Eve (Félix) et à La Femme de trente ans (Charles), le banquier Taillefer à L'Auberge rouge et à La Peau de cha­grin, Berthe de Rochefide et le marquis d'Ajuda-Pinto à Béatrix, la comtesse Ferraud et Derville au Colonel Chabert, le comte de Sérisy à Un début dans la vie, le baron Auguste de Maulincour à Ferragus, Gondureau, sous le nom de Bibi-Lupin, à Splendeurs et misères des courtisanes, la baronne Delphine de Nucingen à La Maison Nucingen (et à seize autres débouchés).

A l'inverse, des personnages disparaissent. Ayant eu l'idée de faire de Eugène de Rastignac, personnage secondaire de La Peau de cha­grin, le héros du Père Goriot qu'il est en train de rédiger, Balzac renvoie chez les morts « Eugène de Massiac » (au feuillet 43 de son manuscrit). Par un mouvement inverse, il exportera du Père Goriot vers La Peau de chagrin, Horace Bianchon, et condamnera Prosper, un médecin sans nom de famille, aux limbes des éditions de La Peau de chagrin antérieures au Père Goriot (Bianchon fait sa première apparition dans La Peau de chagrin dans la réédition de ce roman en 1838). Ainsi Frédéric Mauricey prend son chapeau et quitte L'Auberge rouge en 1837 pour faire place à Frédéric Taillefer, dans Le Père Goriot le père de Victorine. Ainsi, Rastignac, très reparaissant dans La Comédie humaine, nous l'avons dit, chasse un « M. de Saluces » du Bal de Sceaux, un « Ernest » de L'Interdiction, un « Ernest de M... » de Étude de femme, etc.

– Liste des 48 personnages reparaissants du Père Goriot :

marquise Julie d'Aiglemont ; marquis Miguel d'Ajuda-Pinto ; vicomtesse de Beauséant ; vicomte de Beauséant ; Horace Bianchon ; Lady Brandon ; duchesse de Carigliano ; Derville ; marquise d'Espard ; comtesse Ferraud ; Fil-de-Soie ; madame Firmiani ; colonel Franchessini ; princesse Galathionne ; Gobseck ; Gondureau ; Goriot ; famille Grandlieu ; Jacques (valet de chambre) ; comtesse de Kergarouët ; duchesse de Langeais ; madame de Lanty ; marquise de Listomère ; Henri de Marsay ; duchesse Diane de Maufrigneuse ; baron Auguste de Maulincour ;Maurice (serviteur) ; ma­demoiselle Michonneau ; marquis de Montriveau ; baron de Nucingen ; Delphine de Nucingen ; Poiret ; baron et baronne de Rastignac (parents d'Eugène) ; Eugène de Rastignac ; Laure de Rastignac (soeur d'Eugène) ; monseigneur Gabriel de Rastignac (frère d'Eugène) ; comte de Restaud ; Anastasie de Restaud ; Berthe de Rochefide ; marquis de Ronquerolles ; comtesse de Sérisy ; comte de Sérisy ; Jean-Frédéric ; Taillefer ; Victorine Taillefer ; Thérèse (femme de chambre) ; comte Maxime de Trailles ; famille Vandenesse ; Vautrin.

De ce paysage onomastique, retenons quelques figures, qui crèvent la page, et prennent chair et sens dans ce roman, trop riche, où trois « monstres sacrés » paraissent se disputer le premier rôle, Goriot, Rastignac et Vautrin (alias Jacques Collin).

– Jacques COLLIN : il a 40 ans en 1819. Il a fait de bonnes études chez les oratoriens, avant d'être envoyé au bagne pour un crime de faux dont il se laisse accuser pour sauver un très beau jeune homme. Sa vie bascule, il devient Trompe-la-mort, trésorier des bagnes et exerce son activité depuis la pension Vauquer, sous le nom de Vautrin. C'est Lucien et non Rastignac qui lui appartiendra (Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes). Sa réapparition en Carlos de Herrera sera spectaculaire.

– Jean-Joachim GORIOT :  il a près de 70 ans en 1819. Il a fait partie des « accapareurs » pendant la Révolution, et fait fortune en spéculant sur les farines. Retiré à la Maison Vauquer, il devient «  le père Goriot » et, pour le narrateur, « le Christ de la paternité ». Divers personnages en conservent, ailleurs, le souvenir. 

– Eugène-Louis de RASTIGNAC : né à Rastignac, dans la Charente, la même année que Balzac, en 1799. Son parcours dans La Comédie humaine au-delà du Père Goriot ne va pas sans quelques difficultés d'identité. On peut néanmoins le suivre jusqu'en 1845 : il aura fait carrière (de manière foudroyante dans Le Député d'Arcis) et finira, dans Les Comédiens sans le savoir, pair de France et ministre de la Justice, avec 300 000 livres de rente.

– Mme VAUQUER : bien sûr, née de « Conflans » ; on ne saura jamais s'il s'agit d'une filiation ou d'une origine. Madame Vauquer a deux âges : le sien (une cinquantaine d'années) et celui qu'elle accepte, bien moindre... Mais la maison « Pension des deux sexes et autres » est elle aussi, comme on dit, un « personnage » ! 

 

IV. LECTURES ET COMMENTAIRES

Les Lettres à madame Hanska révèlent que Balzac a beaucoup espéré et attendu le succès du Père Goriot. Il l'obtint, en effet, si rapidement que les éditeurs mirent en vente une deuxième édition dix semaines après la première, rapidement épuisée en librairie. En témoignent les nombreux comptes rendus que suscita le roman à sa parution du Constitutionnel à La Quotidienne (légitimiste), du Le Courrier français (libéral) au Journal des femmes.

Troisième signe de succès : le roman fut immédiatement adapté pour la scène, simultanément,  par deux théâtres rivaux. Au théâtre du Vaudeville et au Théâtre des Variétés, la première représentation eut lieu le 6 avril 1835.

1835 (Paris). Le Père Goriot. Comédie en deux actes, par MM. Ancelot et Paulin. Théâtre du Vaudeville, 6 avril 1835.

1835 (Paris). Le Père Goriot. Comédie-vaudeville en trois actes, par MM. Jaime, Théaulon et Decomberousse. Théâtre des Variétés, 6 avril 1835.

La pièce du Vaudeville sera retirée de l'affiche au bout de trois représentations; celle des Variétés connaîtra le succès : elle sera représentée cinquante-trois fois. L'un et l'autre fournirent aux courriéristes l'occasion de reve­nir plus ou moins longuement sur le roman de Balzac. Leurs comptes rendus complètent le dossier de la réception du roman à sa parution, notamment dans le Journal de Paris, la Revue de Paris, le Journal des débats. On dénombre aussi au totale 27 comptes rendus.

Au vingtième siècle, la critique balzacienne a consacré la place cardinale du Père Goriot dans l'oeuvre de Balzac. En 1940, dans un ouvrage au sous-titre significatif – Balzac roman­cier. La formation de l'art du roman chez Balzac jusqu'à la publication du Père Goriot –, s'in­téressant d'abord à la genèse de l'oeuvre par et pour elle-même, Maurice Bardèche écrivait : « En 1835, Balzac est en possession de tous ses moyens, sa formation de romancier est terminée; Le Père Goriot est le résultat de tous ses efforts précédents et l'assise de son oeuvre future » ; pour­suivant : « Comparé à l'oeuvre antérieure de Balzac, Le Père Goriot est une sorte de résumé, comparé à son oeuvre future, il est une sorte d'annonciation » ; concluant : « C'est une date capi­tale dans l'histoire de son oeuvre ». En 1947, Bernard Guyon arrêtait son histoire de La Pensée politique et sociale de Balzac en 1834 : « L'homme ayant atteint sa parfaite ma­turité, dominant de haut sa pensée, en prend une conscience claire et définitive et l'organise so­lidement en un véritable système. [...] Ce moment privilégié, cette espèce d'“acmé” dans la car­rière balza­cienne nous paraît se placer aux environs de 1834 ». En 1972, l'analyse de Pierre Barbéris fera écho au jugement de Maurice Bardèche : « Ce roman [Le Père Goriot] n'existe et ne se lit vrai­ment que par tout ce qui constitue son avant-texte puis son après-texte » (Le Père Goriot de Balzac. Écriture, struc­tures, signi­fications, Larousse). En 1985, à l'occasion du cent-cinquante­naire de la publication du Père Goriot, une quarantaine de spécialistes ont revisité cette ligne de crête de La Comédie humaine. Leurs travaux, qui ont paru sous le titre « Des oeuvres de jeunesse au Père Goriot », ont réaffirmé la hauteur de ce sommet dans la géographie balzacienne (voir L'Année balzacienne de 1985 à 1987). Il serait facile de multiplier les jalons, de prolonger par d'autres ouvrages (Olivier Bonard : La Peinture dans la créa­tion balzacienne. Invention et vi­sions picturales de La Maison du chat-qui-pelote au Père Goriot, Droz, 1969), et jusqu'aux titres de thèses récentes (Chantal Massol : Le Rôle de l'énigme dans la formation du roman bal­zacien, des Chouans au Père Goriot, doc­torat de l'Université de Paris VIII, 1980) ce florilège, qui installe Le Père Goriot dans son statut consacré par l'institution scolaire et par la critique balzacienne à l'intérieur de son histoire propre, laquelle a développé –  et obéi à – un scénario de la maturation projetant la parution successive des oeuvres dans un perfectionnement inces­sant. De L'Héritière de Birague aux Chouans au Père Goriot, Balzac n'aurait fait qu'améliorer ses procédés romanesques et ses stratégies d'écriture, décider de son esthétique, déterminer ses références, établir son style, définir ses moyens et ses fins, maîtriser son art, multiplier sa force par la mise au point du principe du retour perpé­tuel des personnages, qui sert de fil conducteur à l'agencement des oeuvres, à leur création, à leur conception, à leur scénario, pour s'élancer vers les cimes du liber mundi dont il porte, en quelque sorte depuis toujours, le plan dans sa tête.

Ainsi, Le Père Goriot est, si l'on veut, un classique, et un « livre-signature ». Et Balzac, considéré sous cet angle, se résume en « l'auteur du Père Goriot ». Ce roman qui coïncide avec la première application systématique du procédé des personnages reparaissants constitue bien en quelque sorte l'acte de naissance de La Comédie humaine. Mais s'il fournit un repère commode, un moment privilégié dans la carrière et dans l'aventure intellectuelle du romancier, un des plus hauts sommets de son oeuvre, il n'en demeure pas moins un roman qui peut, et doit, être lu pour lui-même, et pas seulement comme « drame » de la paternité.