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Historique de l'édition Furne

Par Robert Tranchida

Historique de l'édition Furne L'entreprise "Furne" Une édition illustrée La reprise "Houssiaux" : 1848-1855

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C'est sous le titre de La Comédie humaine qu'Honoré de Balzac réalise la première édition de ses Oeuvres complètes. Dix-sept volumes publiés entre 1842 et 1848 sont, après sa mort, complétés par trois autres entre 1853 et 1855. Cette édition est communément désignée comme "l'édition Furne", du nom du premier des coéditeurs à s'être lancé dans une telle entreprise éditoriale, sans précédent dans la littérature française. Cette édition originale rassemble les textes que Balzac avait déjà publiés une douzaine d'années durant, séparément ou partiellement regroupés, et laisse place aux oeuvres à venir ; elle offre en outre la particularité d'être illustrée de nombreuses gravures hors texte.

L'entreprise "Furne"

Dans une lettre datée de janvier 1840, Balzac trace un programme détaillé de ses oeuvres complètes et mentionne pour la première fois le titre La Comédie humaine. Un traité daté d'avril 1841 avec quatre signataires -Hetzel, Paulin, Dubochet et Sanches - sera remplacé six mois plus tard par un second traité qui mentionne, cette fois, le titre général. Aux mêmes signataires s'ajoute l'éditeur Charles Furne qui apporte d'importants moyens financiers.

Les coéditeurs adoptent la formule qui s'impose à cette époque et dont ils ont été les promoteurs actifs : le livre illustré, vendu par livraisons et par souscription, annoncé à grand renfort de publicité au moyen d'un prospectus, d'un catalogue d'éditeur et d'une affiche destinée à la libraire.
La Bibliographie de la France du 23 avril 1842 annonce :
"La Comédie humaine. Oeuvres compètes de M. H. de Balzac.
Edition de luxe à bon marché. 1ère livraison, in-8° de 3 feuilles plus une vignette... L'ouvrage sera publié en 12 volumes. Chaque volume, orné de huit gravures, se composera de 10 livraisons."

Affiche de librairie pour La Comédie humaine
Affiche publicitaire. Coll. Maison de Balzac.
© Paris-musées, cliché K. Maucotel
Couverture de la 7e livraison de La Comédie humaine
Couverture de la 7e livraison. Coll. Maison de Balzac.
© Paris-musées, cliché K. Maucotel
Après une mise en vente par livraisons hebdomadaires sous couvertures illustrées roses ou jaunes, le premier volume paraît le 25 juin 1842. Le traité précise que Balzac se réserve "l'ordre et la distribution des matières, la tomaison et l'ordre des volumes", mais les éditeurs ne respectent pas cette clause. De plus, le rythme des parutions est irrégulier. Balzac dirige de fait le travail d'impression et se plaint avec énergie des problèmes de retard dans la fabrication ou la réception des épreuves. En août 1846, l'édition atteint seize volumes mais ce nombre, comme celui des gravures, ne correspond pas à ce qui était prévu.

Le produit final se présente comme l'édition de bibliothèque annoncée, faite de luxueux volumes in-8°, le format des genres "sérieux" ; ils sont composés dans une typographie serrée mais soignée et tirés sur beau papier par les imprimeurs Béthune et Plon ; le texte bénéficie de grandes marges et est orné de belle planches hors-texte sur papier fort. L'édition est vendue à un prix modéré. L'article 11 précise que les éditeurs "donneront tous leurs soins à chacune des éditions, ils leur donneront la plus grande publicité et généralement feront tout ce qui dépendra d'eux pour assurer le succès de l'entreprise". La promotion est assurée par des affiches de souscription, des bandeaux publicitaires et des annonces dans les journaux illustrés, comme L'Artiste ou L'Illustration, qui reproduisent des séries de gravures légendées.

Des quatre associés, c'est le jeune Hetzel qui est le véritable maître d'oeuvre de l'entreprise, tant pour la fabrication que pour l'illustration. On lui doit probablement la présence de l'avant-propos de La Comédie humaine : après en avoir suggéré l'orientation, Hetzel a réussi à persuader Balzac que seul l'auteur pouvait l'écrire.

Publicité parue dans L'Illustration en 1847
Publicité parue dans L'Illustration en 1847.
Coll. Maison de Balzac.
© Paris-musées, cliché K. Maucotel

 

Le nom de Paulin figure sur les deux premiers volumes parus en 1842, ceux de Dubochet et d'Hetzel jusqu'en 1846. A cette date, ces trois éditeurs se sont retirés, laissant à Charles Furne le soin de poursuivre l'entreprise. A son tour, Furne cède le stock des volumes invendus de La Comédie humaine à Alexandre Houssiaux, son premier commis. En octobre 1846, celui-ci annonce - toujours sous le nom de "Furne et Cie" - une remise en vente des seize volumes de l'édition précédente, prévue en cent soixante livraisons.

 

Une édition illustrée

Le traité ne prévoyait pas d'illustrations mais les coéditeurs ont très vite décidé d'introduire des gravures. Le protocole adopté en matière d'illustration participe à la vogue des ouvrages collectifs, des "musées" ou "galerie d'images" liés à "la littérature physiologique" à la mode dans les années 1840-1845. On connaît mal le rôle joué par Balzac dans l'illustration de ses oeuvres. S'il surveille de très près, comme à son habitude, l'impression des textes, il semble aussi participer au choix des illustrateurs et à la distribution des tâches. Il établit à l'attention de ses éditeurs une liste des principaux personnages à représenter et propose de les attribuer à des artistes, certains connus de longue date. L'ancien journaliste de presse illustrée qu'est Balzac paraît d'ailleurs exiger une implication réelle de l'artiste : "il est indispensable que les dessinateurs lisent le livre" ; et il s'en préoccupe auprès de l'imprimeur : "dans l'intérêt de ces messieurs, il faudrait avoir un volume en avance tiré pour pouvoir le donner aux dessinateurs." Ces indications sont rarement suivies et il ne parvient pas à obtenir le concours de tous les artistes auxquels il avait pensé.

Pour réaliser ces gravures, un parti semble avoir été plus ou moins défini : la gravure sur bois de bout ; un format unique ; le hors-texte accompagné d'une légende (celle-ci réduite à un nom de personnage), d'un fragment de texte et du titre du roman ; la représentation des personnages plutôt que des scènes narratives ; les portraits en pied, parfois à mi-corps. Quelques planches réunissent deux ou trois personnages, voire plus, comme la scène finale des Mémoires de deux jeunes mariées qui montre la mort de Louise entourée des siens. On doit l'une des rares scènes historiées à Daumier qui dessine pour Ferragus un personnage étendu sans connaissance sur le pavé. Certaines figures sont entourées d'un environnement décoratif, telle la Madame Gruget de Bertall où l'on devine un angle de cheminée avec quelques objets posés dessus. Conformément, si l'on peut dire, au dessein balzacien de mettre en scène les différentes "espèces" humaines, cette galerie de portraits rassemble des "caractères" singuliers, propres à l'univers romanesque de Balzac.

Bien des questions demeurent en suspens : Balzac a-t-il été satisfait du résultat final ? S'il souligne, à l'occasion, la réussite typographique, le "luxe et la perfection" de cette "curiosité bibliographique", nous ignorons quelles furent ses réactions face aux illustrations. L'essentiel des échanges avec Hetzel porte sur des problèmes d'impression et de publication et il ne semble pas que le choix des artistes ait fait l'objet de discussions, à une ou deux recommandations près. Mais il serait faux de dire que Balzac ne s'est jamais mêlé des illustrations, puisqu'il a un échange avec Bertall en 1845 à propos des Petites Misères de la vie conjugale. On peut aussi se demander si Balzac s'est prononcé sur la place des gravures dans le texte : la position en frontispice est fréquente mais non systématique ; la répartition semble davantage établir une scansion à travers une seule et même galerie d'images qu'amorcer un épisode narratif. Cependant, tous les volumes ne sont pas également pourvus et des personnages importants ne sont pas représentés. Est-ce dû à des raisons économiques, comme semble le suggérer une note de Furne, à l'indisponibilité des artistes ou à des retards dans la livraison de certains travaux de gravure ? Enfin, vingt-deux titres n'ont pas du tout été illustrés, dont beaucoup d'oeuvres courtes et plusieurs contes philosophiques.

 

La reprise "Houssiaux" : 1848-1855

Alexandre Houssiaux acquiert dès juillet 1846 la propriété de l'édition de La Comédie humaine et lance une souscription des seize premiers volumes. En novembre 1848, il publie sous le nom de "Furne et Cie" un nouveau volume incluant les Parents pauvres, et il lance une souscription des dix-sept volumes en trois cent quarante livraisons quelques mois plus tard.
Cet ensemble, revu et corrigé par Balzac, est l'édition originale de La Comédie humaine. Elle est inachevée à la mort du romancier en 1850, comme en témoignent le catalogue de 1845 - la liste des oeuvres qui restent à écrire - et le Furne corrigé, son exemplaire personnel qu'il souhaitait amender en vue d'une réédition.

Le dernier apport d'Houssiaux s'échelonne de 1853 à 1855. La librairie de la France annonce en 1853 une nouvelle souscription par livraisons de "La Comédie humaine. Oeuvres complètes de H. de Balzac, avec une notice de George Sand, 20 vol. in-8° ornés de gravures et 1 portrait de l'auteur. Seule édition de bibliothèque. Elle comprend les ouvrages manquant à l'édition précédente." En effet, Houssiaux publie un dix-huitième volume comprenant Les Paysans et les Petites Misères de la vie conjugale, et complète La Comédie humaine par deux romans dont Balzac souhaitait l'intégration.

 

Cet historique de l'édition Furne est extrait du catalogue Souscrivez à La Comédie humaine ! Oeuvres complètes de M. de Balzac. Édition de luxe et à bon marché. Paris : Paris-musées, 2001. 60 p. ISBN 2-87900-559-0
© Paris-musées